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Le triomphe de la « médiocratie »

Je vous le dis. Les cons ont pris le pouvoir. Les réseaux sociaux, ces «poubelles de la pensée», sont des producteurs à grande échelle du crétinisme. L’influence des crétins est allée crescendo depuis l’avènement des GAFA [Google, Amazon, Facebook, Apple]. La médiacratie a amplifié la médiocratie. Des cervelles de coccinelles ont envahi le cyberespace. Elles se sont invitées dans nos petits et grands écrans.

Ces surdoués à l’envers, on les connait. Les gigantesques popotins de Kim Kardashian et de Nicki Minaj comptent plus à l’échelle des valeurs de ce 21e siècle décidément moralement et intellectuellement décadent, que le cerveau du dernier Prix Nobel de physique. Plus besoin de bachoter pour obtenir ses diplômes, passerelles pour une réussite future dans la vie active. On ne pense plus seulement avec sa tête. On peut désormais penser avec ses fesses. Et apparemment, ça paye. La preuve, Kardashian est une multimillionnaire…

Les crétins, ils ont vraiment pris le pouvoir. Le plus connu de cette race est même au pouvoir. C’est l’homme le plus puissant du monde. Depuis qu’il est aux responsabilités, le monde va de mal en pis. De sa bouche sortent quotidiennement des logorrhées et des goujateries toutes plus puantes les unes que les autres. Le bilan de la présidence de Trump ? Une connerie par jour. Normal. Que pouvait-on attendre du crétin en chef ?

Dans le monde d’aujourd’hui, l’idiot l’emporte sur le sagace. Le médiocre est préféré au cartésien. «Un esprit joyeusement crétin souffle sur ce monde tourmenté», regrette le sociologue Michel Maffesoli. «La planète est sous l’emprise d’un maelström régressif, mélange d’absurdités, de débilités, et de délires scatologiques», poursuit le sociologue.

A la télé, sur YouTube et sur de nombreuses autres plateformes, des offres d’émissions, paradis des crétins très créatifs dans la déconnade, abondent. Dans une de ces émissions, on peut entendre quelqu’un dire : «Je veux faire Kafka». Drôle de façon d’honorer la mémoire de l’auteur du Procès. Dans ces émissions déjantées, bordéliques et borderline, où on peut voir et entendre du grand n’importe quoi, le niveau est effectivement de l’ordre du pipi-caca.

Le Pape de la religion de la connerie, c’est l’Américain Steve-O. Sa spécialité ? Il s’agrafe les testicules aux cuisses. En 2004, plusieurs semaines lui avaient été nécessaires pour se remettre de cette «performance» réalisée sous l’emprise de la coke. Au terme de cette expérience dont il fut très fier, il fit une déclaration qui va très certainement entrer dans les annales de l’histoire : «Je ne sais ni travailler ni étudier. Et je veux qu’on ne m’oublie jamais.» En zappant l’autre jour, je suis tombé sur la chaîne «Comédie !». J’ai découvert que Steve-O avait fait des émules. «La vie est une fête», une émission de jeu, est conçue sur un principe simple : solliciter des gens dans la rue et voir jusqu’où ils sont prêts à aller pour passer à la télé et gagner un peu d’argent. On les voit taguer un énorme sexe sur la devanture de leur propre magasin, se couvrir la tête de miel et de plumes, pisser dans leurs chaussures, faire le concours du jet d’urine le plus haut, déféquer sur la toiture de leur maison, martyriser des chats…

«Figures» et souffrances

Chez nous, le crétinisme a aussi gagné du terrain. Une jeune Camerounaise fait parler d’elle depuis quelques années. On l’appelle Nathalie Koah. Des gens pas forcément gentils disent d’elle qu’elle a tout dans sa plastique, et pas grand-chose dans son ciboulot. Ceux qui savent disent qu’elle serait ou qu’elle aurait été une Escort-girl. Les mauvaises langues [on ne saura probablement jamais pourquoi elles ne sont jamais bonnes] disent qu’elle a réalisé un exploit. Elle se serait offerte à l’horizontale [d’autres positions ne sont pas à exclure] à la star mondiale du foot, Samuel Eto’o.

L’affaire a tourné au vinaigre, et la belle a décidé de vider son sac en public. Elle a pris sa plume [les mêmes mauvaises langues affirment que c’est quelqu’un d’autre qui l’a prise à sa place] pour raconter dans le menu détail ses matchs nocturnes et probablement diurnes avec le footballeur dans Revenge porn. On ne sait qui encaissait les buts ou qui les marquait. Toujours est-il que l’affaire a fait scandale. Avec le succès de Revenge porn, Nathalie, à qui on a aussi prêté quelques coucheries avec le chanteur Fally Ipoupa [décidément sous la couette elle fait dans l’abondance], a décidé de remettre ça avec Renaitre. Elle est donc désormais «l’auteure» de deux livres, ou plutôt de deux non-livres. Si j’ai bien compris, Nathalie, dans sa dernière livraison, dit avoir fait tabula rasa de son passé assez mouvementé pour devenir une femme d’affaire respectable. Ses centaines de fans ont applaudi la mue de leur passionaria. C’est un bon point pour celle qui a travaillé et forgé sa réputation non pas à la sueur de son front mais à celle d’une zone géographique de sa gracieuse anatomie qu’il ne m’est pas permis nommer ici…

Avec Renaitre, son dernier nanar, Mlle Nathalie a remporté le prix de la complaisance médiatique là où par exemple, Rouge Impératrice, le dernier roman de l’immense Leonora Miano, qui est salué par l’ensemble de la critique sur la place de Paname, n’intéresse aucun journaliste local. Elle a été reçue comme une reine sur tous les plateaux télés en prime time. Elle est même allée se vendre à la télévision ivoirienne, territoire de sa «coépouse». Preuve que médiocratie et médiacratie sont les deux facettes d’une même pièce.

D’autres «figures» de la scène camerounaise ont marqué les esprits par leur intelligence au ras des pâquerettes. Qui ne se souvient de Jean Ndjeuga, commerçant au Marché Mboppi à Douala, qui fut candidat à l’élection présidentielle de 2011, et qui baragouinait une langue qui avait un lointain cousinage avec le français ? Que dire de Papa Menye dit «Le Grand Barack Obama» qui, au début de cette année, ivre de colère et pris dans un délire psychédélique, s’en est pris à la compagnie d’électricité Eneo à cause des délestages incessants et intempestifs, et au Président Biya qui n’aurait pas tenu ses promesses électorales ? Aujourd’hui, le «Grand Barack», à la base soudeur en menuiserie métallique, est devenu chanteur. «Je veux goûter ça», son single qui connait un succès évidemment confidentiel, véritable gloubi-boulga artistique, est une souffrance pour les oreilles.

Quant à Nyangono du Sud, qui tient une boutique au marché central de Yaoundé, et qui donne des «spectacles dévastatrices» [sic] à travers le pays, il fait partie de la génération des crétins heureux qui amusent la galerie depuis peu au Cameroun. Au Tchad, c’est un certain Ahmat Fraîcheur, un homosexuel assumé qui fait parler de lui. Beaucoup de Tchadiens s’étonnent qu’il affiche son orientation sexuelle sans être inquiété dans un pays où l’homosexualité est passible d’une peine d’emprisonnement…

Quels messages et quels héritages les parents et les gouvernants doivent-ils transmettre à la jeunesse ? Qu’on peut réussir même si on est médiocre ? Que l’acquisition des connaissances au travers de l’instruction et de l’éducation n’est plus nécessaire ? Qu’au lieu de sacraliser l’effort et le travail, il importerait plutôt de prendre des raccourcis et d’emprunter des chemins de traverse ? Qu’il faut suivre et célébrer les bouffons plutôt que les sachants ?

La montée en puissance de l’inculture renseigne peut-être sur la faillite ou la démission de l’intelligentsia qui n’a pas su son rôle de phare, d’éclaireur et de guide de la société. Celle-ci, lorsqu’elle est privée de la lumière des dépositaires de la pensée, sombre inéluctablement dans une décadence qui favorise l’émergence des illuminés. Le constat de Michel Maffesoli est inquiétant, ahurissant et sans appel : «L’intellect est une valeur dépassée.»

Innocent Ebodé, Journaliste

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