Critiques

Deux destins, trois prédateurs

Ramla rêve de faire des études de pharmacie. Après son baccalauréat. Et d’épouser Aminou. L’élu de son cœur. Il étudie la télécommunication en Tunisie et espère devenir ingénieur. Les familles se sont accordées. Ramla est aux anges. Le bonheur et la paix ! Allah donne le bonheur et la paix à Ramla ! Sa beauté affole malheureusement Alhadji Issa. L’un des hommes les plus riches de la ville de Maroua. Le prédateur saute sur l’occasion. Alhadji Boubakari a-t-il le choix ? Il rompt la première alliance. Ramla proteste. Mais les jeux sont faits. Patience, Munyal ! Telle serait la seule valeur du mariage et de la vie. Telle serait la vraie valeur de l’islam, des coutumes peules, du pulaaku.

Hindou devient la promise d’un irascible pervers au chômage. Son cousin. Moubarak. Elle proteste, elle aussi. Mais, Munyal ! Son sort est scellé. Schizo à force de subiR de mauvais traitements, l’enfant qu’elle n’a pas souhaité ne peut la décider à se dresser contre ses cauchemars. Elle vit désormais dans son monde à elle. Recluse. Aucun humain ne parvient plus à la comprendre. Ce sont les djinns, selon des marabouts. Leurs gris-gris n’en viennent pas à bout. Elle se consume, doucement.

Safira rumine contre son amariya. Ramla ne lui prendra pas son époux. Safira ne le partagera pas. Elle ne se satisfait pas d’être la daada-saaré. Il faut éliminer l’intrus. Les gris-gris ne produisent aucun effet. Le sabotage des defande de Ramla ramène souvent vers elle Alhadji Issa. Puis le coup de grâce. Des appels non identifiés à son amariya lors de ses defande. L’époux, « cocufié », perd ses moyens. Un serment sur le Coran évite à Ramla l’immolation. L’enfant qu’elle n’avait pas souhaité paie le prix de l’accès de colère du père qu’il ne connaîtra jamais. À l’hôpital, Safira apprend à connaître Ramla. Et se rend compte qu’elle s’est acharnée sur une innocente. Une âme en peine.

Ramla s’évade. Alhadji Issa la répudie. Safira jubile. Et déchante aussitôt. Elle a une nouvelle amariya.

Précédemment publié en 2017 aux éditions Proximité à Yaoundé sous le titre Munyal, les larmes de la patience, Les Impatientes est un roman implicitement militant. À travers des figures féminines est remis en cause l’un des principes du pulaaku, code moral qui veut que le Foulbé se caractérise par la résignation, l’intelligence, le courage et surtout la réserve.

L’univers des Impatientes est donc celui des Foulbées mariées sans leur consentement, dès l’âge de la puberté, parfois à des cinquantenaires polygames, et qui sont appelées à devenir de bonnes épouses. Sous peine d’être répudiées, elles ne peuvent visiter leurs parents qu’après un an de mariage, elles doivent garder jalousement les secrets de famille, y compris les dérives de leurs époux, elles doivent être occupées aux soins domestiques et assurer sans autre forme de procès les devoirs les plus intimes.

L’islam tel qu’il apparaît chez Djaïli Amadou Amal dans ses préceptes relatifs au mariage et aux devoirs conjugaux semble davantage une réinterprétation influencée par les coutumes peules (islam noir). Ce sont, en effet, les Foulbés, superficiellement islamisés, qui ont assuré le prosélytisme au Cameroun, au point où le fulfulde a supplanté l’arabe sur le terrain religieux.

Djaïli Amadou Amal, 2020, Les Impatientes, Paris, Emmanuelle Collas.

Laurain Assipolo

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