David Baliaba : la musique, encore et toujours !
Le lauréat de la première édition du Prix Découverte Festi-bikutsi prépare son 4è album tout en déplorant l’insuffisance d’accompagnement des promoteurs du festival
«En participant à la première édition du concours Prix Découverte Festi-bikutsi cette année-là, de manière fortuite, je ne pouvais pas m’imaginer être le lauréat de cette édition. La humble ambition était celle de faire partie des 10 meilleurs jeunes artistes pour bénéficier d’un contrat de vente de musique digitale, le destin en a décidé autrement», nous confie Guy Hervé David Baliaba lauréat de la 1ère édition en 2014.
Rencontré à l’esplanade du stade omnisports, regardant les prestations de la nouvelle cuvée de la 4ème édition du concours sur la scène du cabaret bantou, c’est avec le sourire, l’émotion et l’amabilité qui le caractérisent que le trentenaire d’1m 90 va interrompre ce moment de grande nostalgie pour se confier à nous. Le parcours exceptionnel, jonché de rencontres, de défis, de questionnements, de tristesse, va se raconter allègrement, loin des rythmes cadencés de l’orchestre Les Ambassadeurs du FIMBA qui accompagne le nouveau cru.
Né en janvier 1982 à Yaoundé, ville aux sept collines et capitale du Cameroun, David Baliaba a grandi loin de sa terre d’origine, le Mbam, dans une famille d’artistes. Son feu père était un célèbre danseur et musicien mbamois dont les vibrations et sonorités traditionnelles ont souvent été entendues dans les plus hautes sphères de l’Etat à l’époque du premier président camerounais Ahmadou Ahidjo. À la maison, il est bercé et nourri par ce breuvage traditionnel et édifié par le génie de Sana Mendong Albert Tetanos, icône de la musique mbamoise qui jouait avec maestria de la guitare malgré sa cécité.
À 9 ans, il entre à la chorale des grands, où son père est pasteur. Enfant turbulent et indiscipliné, «je me souviens à mes 10 ans, la responsable de notre chorale Ngo Ndinguele Suzanne, que l’on nommait affectueusement Maman Co’o, pour une énième punition m’a nommé censeur de la chorale. J’avais pour tâche de venir aux séances de répétition le premier pour installer le matériel et les instruments de musique et partir le dernier les remettre au sous-sol. J’ai ainsi appris à ces heures-là à jouer des instruments. Ce fut enrichissant pour moi.»
Du religieux au mondain
«Toute mon enfance et une grande partie de mon adolescence ont été influencées par la musique gospel.» En 2008, motivé par ses comparses, David Baliaba participe à la biennale du festival Mbam’art (explosion de la culture mbamoise sur tous les plans). Il remporte d’ailleurs le prix de la meilleure chanson gospel lors de cette édition et sort cette même année son premier album gospel « Saint saint saint ». Il décide en parallèle d’explorer l’univers lyrique et rejoint le chœur Madrigal de maitre René Esso ; «pour moi, c’est le meilleur formateur que le Cameroun ait connu en musique classique». Il y fera ses classes pour devenir bon baryton.
Cependant, pour le jeune de Guientsing par Ombessa, localité du département du Mbam-Et-Inoubou, la musique gospel ne s’exporte pas aisément. L’éclosion dans ce registre pour un artiste est difficile dans un contexte camerounais où la promotion de ce style de musique et l’émergence de l’artiste sont pénibles. «Ceux qui font du gospel au Cameroun sont caricaturés, sont confinés dans un coin précis, et dans les grands spectacles, ceux-là ne sont pas invités». Le changement de registre va s’imposer radicalement. David se rendra à Douala, chez feu Kono Thélès, pour les arrangements de son 2ème album Bana Ba mbono (les enfants de Mbono), hommage à Mbono, femme ancêtre du peuple mbamois venue des contrées bassa.
Ce séjour va être déterminant dans la destinée de sa carrière. C’est véritablement un virage à 90 degrés qui est pris par l’artiste ; les rythmes prennent source sur les mélodies traditionnelles. On y retrouve du Mbala associé au funk, au jazz et un brin de musique classique. Il s’exprime aussi bien en ngunu (langue locale) qu’en français. C’est avec ce titre à succès, il participe en 2014 de façon accidentelle à la première édition du Prix Découverte Festi-bikutsi. «Je ne fais pas du bikutsi mais ma musique est universelle et s’exprime partout». Ce fut le cas. Sa puissance vocale qui prend vie dans les sonorités traditionnelles fusionnées aux rythmes d’ailleurs, associée à un style vestimentaire exceptionnel dont un costume traditionnel bantou fait d’écorces d’arbres, a su séduire le jury de cette édition.
«Comme récompense, le lauréat bénéficie d’une promotion d’un an, de la production d’un album et la réalisation d’un clip». Ce prix n’a pas été attribué au lauréat ; il a juste reçu le trophée. «Aucune réalisation durant cette année-là, en contrat avec le Festi-bikutsi, je ne pouvais pas nouer ou accepter les propositions pourtant conséquentes.» Le temps passé, David Baliaba retourne en studio chez Billy Ngoman, président du jury de cette quatrième édition du prix découverte Festi-bikutsI, pour le projet « Bana ba Mbono ». Son troisième album Africa biné va naitre de ce projet en 2016, «un nouveau concept, plus large, plus fédérateur». Vont s’en suivre deux spectacles sur la scène de l’IFC et des invitations dans plusieurs festivals nationaux : FENAC, FESMUDAP, Festival Ebassa, Festi-bikutsi pour ses prochaines éditions comme vedette.
Marié, père de deux enfants et d’un troisième en chemin, David pratique le judaïsme – ses enfants ont des prénoms hébreux – il compte dans son quatrième album qui est en gestation depuis un an, chanter en hébreu. De quoi repousser les limites du chanteur… «J’aime la culture israélienne». Il faudra pourtant attendre quelques mois encore. «Pour celui-ci, les arrangements seront fait par André Manga, célèbre bassiste camerounais. Il est en tournée en ce moment, mais dès son retour en janvier 2019, on entre en studio». Voilà un album qui promet de belles vibrations. Si le titre est connu – « Mma’o », hommage à la femme et à «la symbiose qui existe entre une mère et son fils quand celui-ci est encore dans le ventre», le contenu l’est moins.
À l’aise sur tous les registres, il compte varier les plaisirs avec une pointe de tristesse et de nostalgie quant à la disparition de sa principale voix en chœurs et petite sœur Merveille Tchamba, décédée il y a un an dans un tragique accident de circulation. Une chanson sera consacrée à sa mémoire. «Sa mort a laissé un grand vide dans ma vie, depuis son départ, j’ai du mal à m’adapter à des expériences nouvelles sur le plan artistique. C’était elle qui faisait tous mes chœurs, dans toutes mes chansons elle intervenait à 45%. Il était important pour moi de lui rendre hommage par un titre dans ce nouvel album». Influencé musicalement par Richard Bona et Manu Dibango, c’est une ballade spirituelle, mélancolique et à la fois festive que nous fredonnerons bientôt. En attendant David Baliaba est très investi dans le domaine social, il a d’ailleurs fondé l’association des artistes ressortissants du Mbam dont il assure la présidence depuis plus d’un an avec une centaine de membres.
Larissa Ndjakomo