Reportages

Cinéma : la colonisation en débat dans des lycées

Les 11 et 12 novembre, des projections-débats de films ont eu lieu dans trois établissements scolaires de Yaoundé, avec l’appui technique du Cinéma Numérique Ambulant.

Lycée de Mendong, Lycée de Soa, Lycée de Nkol-Eton. Ce sont les trois établissements d’enseignement secondaire qui ont été choisis pour abriter les projections de films, dans le cadre de la Semaine culturelle « Le fardeau de la mémoire : considérer l’histoire coloniale allemande en Afrique », organisée par l’Institut Goethe du 9 au 16 novembre à Yaoundé.

Près de 150 élèves des classes de Seconde, Première et Terminale étaient présents à chaque séance. Deux films camerounais étaient au programme : Cuisine mondiale, un court-métrage expérimental de Steve Kamdeu réalisé en 2018, en présence du réalisateur, et le long-métrage documentaire Le Malentendu colonial de Jean-Marie Teno, sorti en 2004. Deux films, deux genres, deux auteurs, deux générations, qui portent cependant des préoccupations communes sur le passé colonial de l’Afrique.

Séance de discussion après la projection au Lycée de Soa.

Le premier décrit l’histoire coloniale et néocoloniale d’un continent qui meurt de faim malgré ses richesses pillées et exploitées par des étrangers venus d’Occident et d’Asie. Le second se penche sur l’action des missionnaires chrétiens qui a favorisé la colonisation, et créé la dialectique entre éthique chrétienne et intérêts marchands. Le deux peignent un tableau des séquelles de la colonisation, des traces laissées sur les identités, la morale, le regard et l’imagination des colonisés.

Animées par des enseignants d’allemand et d’histoire, ces projections ont permis d’installer le débat, au sein des lycées, sur la question de la colonisation ; de libérer la parole des élèves. Interrogés avant les projections, beaucoup de spectateurs vantaient les mérites de la colonisation qui aurait été salvateur pour l’Afrique, en ce sens qu’elle lui a apporté «la civilisation», les langues, les religions… Mais après la diffusion des films, les réactions étaient beaucoup plus nuancées. Au lycée de Mendong, une élève de classe de Terminale, choquée par ce qu’elle avait vu dans Le Malentendu colonial et par les propos élogieux de son camarade sur la colonisation, a éclaté en sanglots.

Les six thèmes clés de cette semaine culturelle sont : le fardeau, la mémoire, le deuil, la résistance, la réclamation, la réinvention. Les discussions avec des jeunes publics ont permis de comprendre qu’il y a urgence : urgence d’enseigner davantage l’histoire de la colonisation, urgence de créer des cadres de discussions ouvertes sur cette question. Ce devoir de mémoire devra aider à se forger une identité forte, capable d’interaction avec les autres et en même temps de préservation d’un certain nombre de valeurs. Cette résistance devrait aider à développer la résilience, cette capacité de nous inventer un avenir à partir de l’histoire coloniale qui, selon Steve Kamdeu, fait désormais partie de notre patrimoine.

Ashley Tchameni

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