Entretiens

Nadine Mekougoum : « Je suis en mission pour la jeunesse »

La directrice du SALAFEY qui a attiré du monde en décembre 2022 nous explique ses motivations et ses ambitions.

D’où vous vient l’idée du Salon du Livre Africain pour Enfants de Yaoundé (SALAFEY) ?

En tant qu’actrice engagée de la scène littéraire et spécifiquement du livre jeunesse, j’ai remarqué depuis quelques années d’activités que malgré la volonté des acteurs (maisons d’édition, librairies, associations littéraires, jeux vidéo, jouets, etc.) de proposer des contenus éducatifs qui répondent aux réalités socio-culturelles africaines, il y a d’énormes difficultés de diffusion et de distribution des livres africains pour enfants. A cela, il faut ajouter le niveau insuffisant de sensibilisation pour changer les habitudes de lecture au niveau de la famille, des écoles et des entreprises ; le difficile accès aux livres d’auteurs africains ainsi qu’un manque de synergie d’action entre les acteurs pour créer un vaste mouvement social.

Alors, je n’ai pas voulu rester les bras croisés face à tout cela. En collaboration avec les agences littéraire Ônoan et de consulting Acolitt, nous avons pensé à la mise en place d’une plateforme de rencontres et d’échanges entre les acteurs majeurs pour discuter des avancées récentes dans le domaine du livre pour les enfants en Afrique afin d’apporter des éléments de projection vers l’avenir et de créer un solide réseau africain d’acteurs pour le changement social par le livre : le Salon du livre africain pour enfants de Yaoundé- (SALAFEY) est ainsi né ! Notre objectif est de participer à bâtir une génération d’enfants africains avec une identité culturelle positive.

La première édition a eu lieu à Yaoundé sous le patronage du ministère des Arts et de la Culture. Quel est l’état de vos relations ?

Justement, le ministère des Arts et de la Culture nous a accordés le parrainage pour la première édition du SALAFEY et a mis à notre disposition, gratuitement, la Salle des convivialités du Musée National et ses installations pour la conférence inaugurale, son esplanade pour nos expositions et autres activités. Nous avons également eu une représentante de la Direction du livre et la lecture pour la conférence inaugurale qui a d’ailleurs coupé le ruban symbolique d’ouverture des stands. Ce qui montre, pour nous, qu’ils ont cru en notre vision d’une littérature jeunesse africaine authentique et compétitive et veulent nous accompagner dans ce sens.

Quelle appréciation faites-vous de cette première édition et comment envisagez-vous la prochaine ?

C’est sur une note de satisfaction que nous avons achevé le 18 décembre dernier la toute première édition du SALAFEY sous le thème « Mon identité ». Nous avons eu plus d’une quinzaine de participants : maisons d’éditions, librairies, entreprises de distributions de livres, de fabrication des poupées et jouets africains pour enfants, des associations et auteurs venues de Douala, Yaoundé, France, Etats-Unis, etc.  Nous pouvons estimer à près de 2000 visiteurs pour les trois jours d’évènement et environ 5000 personnes impactées avec toutes les activités menées dans les établissements scolaires et autres tout au long de l’année 2022. Notre rapport ainsi que notre nouveau magazine le « SALAFEY Mag » sont disponibles sur notre site web : www.salafey.net

Notre évènement se veut un ensemble d’actions tout au long de l’année pour rapprocher les livres africains des familles partout au Cameroun dont on fête l’apothéose en fin d’année. C’est pour cela que le concept de « SALAFEY EN CARAVANE » a été pensé et la première escale se fera à Bafoussam le 8 février 2023 pendant la semaine de la jeunesse et en prélude à la deuxième édition qui aura lieu du 30 novembre au 02 décembre 2023 à Yaoundé. Le thème cette fois ci est « J’écris mon histoire »

Dîtes-nous en un peu plus sur ce qui va se passer à Bafoussam !

Comme je disais plus haut, le SALAFEY est le couronnement d’un ensemble d’actions de promotion de la lecture-plaisir et des livres africains auprès des familles et des communautés au Cameroun tout au long de l’année. « LE SALAFEY EN CARAVANE » a été pensé pour briser la routine des grands évènements qui se tiennent très souvent dans les grandes villes de Yaoundé et Douala et rapprocher les livres africains pour enfants des autres localités tout aussi importantes. Yaoundé n’est dont pour nous qu’un point de référence et notre souhait est de faire le tour de toutes les régions du Cameroun dans les 10 prochaines années. Nous avons choisi Bafoussam pour commencer en l’honneur de deux auteurs jeunesse de renommée internationale qui y vivent et qui, malgré les tours du monde, aiment à le brandir avec fierté :  Alain Serge Dzotap, qui était le parrain de la première édition et reste notre parrain d’honneur, et Kouam Tawa qui est actuellement au pays et passera des moments exceptionnels avec les enfants autour de certains de ses livres disponibles au Cameroun. Alors, j’invite parents et éducateurs à ne pas manquer cette occasion d’amener les enfants à la rencontre des modèles auxquels ils peuvent s’identifier fièrement. L’évènement aura lieu à l’Ecole internationale le Baobab à l’entrée de la ville, non loin de la chefferie Bafoussam.

Depuis quelques années, vous avez fait une entrée remarquée dans la littérature jeunesse au Cameroun. Quel est votre carburant ?

Avez-vous vu la vidéo devenue très virale sur les médias sociaux en 2022 ou une petite fille africaine préférait une poupée blanche à une poupée noire parce que selon elle, cette dernière était moins belle ? Savez-vous qu’aujourd’hui encore, les jeunes camerounais et africains de manière générale connaissent plus l’histoire de Barack Obama, Charles de Gaulle, Hitler ou même Emmanuel Macron que celle de Um Nyobe, Martin Paul Samba, Julienne Ketcha, la reine Nzingha d’Angola, voire Kadji Defesso pour ne citer que ceux-là ?

Tout ceci montre clairement que pendant longtemps, les enfants africains ont été exposés aux modèles externes à leurs réalités socio-culturelles à travers la télévision, les jouets et même leurs livres à images. Ce qui a causé une perte de repères identitaires et un manque de confiance en soi dont les dégâts ne sont plus à démontrer. Voilà quelques réalités qui me motivent depuis cinq ans à vouloir contribuer à bâtir une génération d’enfants africains avec une identité culturelle positive à travers les livres et la lecture-plaisir.

Je suis sociologue de formation et j’ai commencé ma vie professionnelle en tant qu’humanitaire. Alors vous pouvez comprendre que la construction de l’humain soit au centre de mes intérêts. Mais aussi, je me suis découvert une belle passion pour les livres au « Cercle Philo-Psycho-Socio-Anthropo » pendant mon séjour à l’Université de Yaoundé I.  Par ailleurs, je suis une passionnée des questions de l’éducation des enfants et de la culture.

Quels rapports entretenez-vous avec les autres acteurs de la filière ?

En tant que promotrice des livres africains pour enfants, je travaille avec des auteurs, les maisons d’éditions, les associations et autres entreprises de distribution de livres et de fabrication des jouets et jeux. Jusqu’ici, tout se passe bien. Je pense que la mission pour laquelle nous sommes engagés nécessite un travail en réseau. C’est d’ailleurs l’une des premières raisons de la création du SALAFEY : créer une plateforme de rencontre et d’échange entre les acteurs du livre jeunesse en Afrique et ses secteurs connexes afin qu’ensemble on dessine de belles perspectives pour nos enfants. Nous avons observé une belle tendance de collaboration lors de la première édition et notre plus grand souhait est que les liens se soudent.

Recueillie par Parfait Tabapsi

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