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Cinéma : le documentaire en visite chez les élèves

L’Association des réalisateurs documentaristes camerounais a projeté deux films dans une école de Yaoundé le 4 mars dernier. Ambiance.

La force de l’image est difficile à décrire. Surtout sur les visages d’enfants. C’est avec eux que le concept de pulsion scopique cher au psychanalyste Sigmund Freud prend toute sa signification. Mercredi 4 février dernier au quartier Ngousso, les enfants d’une classe de CM1 et CM2 ont été émerveillé par la projection de deux films africains sur des sujets différents. Projections qui rentraient dans le cadre du projet ODD – pour Offre de dynamique de documentaire au carré – initié par l’Association des réalisateurs documentaristes camerounais (ARDC) en partenariat avec l’association française Docmonde, le Réseau des cinéastes documentaristes du monde. Projet qui s’est déroulé sur différents sites du 28 février au 8 mars 2020.

Ce mercredi, la cinquantaine de paires d’yeux de la classe n’a pas eu droit à la récréation. Et il ne s’est trouvé personne pour s’en plaindre, élèves et enseignants compris ! Dans la salle surchauffée par le crépitement des paroles de l’écran mobile installé pour la circonstance, les élèves étaient attentifs. Très attentifs même. Au menu, deux films courts : le premier signé du Nigérien Sani Elhadj Magori est réalisé au Sénégal en 2008 et a pour titre Notre pain capital. Il raconte la vie du pain dans un campus universitaire de Dakar et toutes les intrigues auxquelles il donne lieu. Le deuxième, Hemle, est signé de deux Camerounais, Roméo Zaf et Martial Kouakam, et présente la vie ordinaire d’une personne handicapée dont la vie a failli basculer à la suite d’un accident de voiture au tournant de l’actuel siècle à Yaoundé.

Les élève à l’issue de la projection.

Des films qui ont permis à l’ARDC, de sensibiliser le jeune public sur les questions de violence. Pour le premier, les enfants ont même eu droit à un échange audio avec le réalisateur à l’issue de la projection. Mais avant, ils ont donné leur avis sur le film, dit ce qu’ils en avaient retenu et les leçons qu’il impliquait. Makuate Kounang a ainsi dit avoir «compris, grâce à ces films, qu’il ne faut pas baisser les bras dans la vie malgré un handicap. Qu’il faut être très prudent sur la route et éviter la violence dans la vie. Qu’il ne faut pas penser à la vengeance, même si quelqu’un nous blesse. Qu’il faut cultiver l’esprit de paix au Cameroun et à travers le monde». Un propos qui a donné de la joie à Mme Esther Nyake, l’animatrice du jour qui aura eu le mérite de décoincer les enfants en trouvant les mots justes pour les libérer de la torpeur qu’auraient pu les inspirer à la fois le dispositif technique de projection, assuré par l’association Cinéma Numérique ambulant Cameroun qui existe depuis 2012 à Yaoundé, et les personnes étrangères constitués des membres de l’ARDC venus en nombre.

Mais le moment le climax de cette rencontre inhabituelle aura été, pour les élèves, le fait de voir, en chair et en os, le protagoniste du 2è film : un certain Félix Mbog-Len Mapout, ci-devant président de l’ARDC. S’il n’a pas répondu aux questions, ayant préféré laisser le soin à l’un des réalisateurs présents (Roméo Zaf) de la faire, il reste qu’il aura été très satisfait de la séance. Les enfants pour leur part auront assuré tout au long de la projection.

Séance d’échanges à l’issue de la projection au foyer communautaire Bamena.

L’enseignant n’était pas en reste. Mathieur Hamadou a ainsi déclaré que «cette session de projection est extraordinaire. Elle nous aide à mieux faire passer des messages de tolérance entre communautés, surtout lorsque celle-ci est traversée par des problématiques liées à la violence, au handicap ou au désordre urbain. Nous sommes très heureux de cette initiative et espérons qu’il y en aura d’autres ! » Un sentiment partagé par la fondatrice de cette école, le Groupe scolaire Toussaint Antoine dont le campus, qui comprend également un établissement d’enseignement secondaire, est situé dans les entrailles du quartier populaire Ngousso, à un jet de pierre du stade Ahmadou Ahidjo. Pour Godeberte Ngongo Ottou, «les portes de notre campus restent ouvertes. Et avec l’introduction prochainement de l’art cinématographique au programme scolaire, nous allons travailler à nouveau ensemble», a-t-elle lâché à l’issue de la projection à la délégation de l’ARDC.

Des projections qui allaient se poursuivre dans la semaine pour s’achever le dimanche suivant dans un foyer culturel communautaire (Bamena en l’occurrence) au Quartier Tsinga. Où, une fois encore, le public était au rendez-vous pour une séance où les échanges n’ont pas manqué à la suite des projections. Au total, un projet qui a permis à l’ARDC de poursuivre son ambition de vulgarisation du documentaire et dont les deux objectifs pour cette saison étaient «de familiariser le public camerounais au documentaire et d’amener les cinéphiles à œuvrer par l’image à l’atteinte des objectifs du développement durable», selon le mot de son président Mapout Des objectifs qu’il serait heureux de poursuivre, surtout chez les plus jeunes qui, comme ceux de Toussaint Antoine, semblent disponibles.

Parfait Tabapsi

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